“Mettre sous hypnose”, cela veut dire quoi ?

La grande majorité de mes lecteurs ici savent que j’ai beaucoup pratiqué l’hypnose avant d’ouvrir mes horizons vers une pratique plus holistique. J’avais envie d’écrire un article un peu technique sur ce que cela signifie “mettre sous hypnose” selon les différentes pratiques rencontrées.

Retour aux sources : Milton H. Erickson

L’hypnose profonde est le niveau d’hypnose qui permet aux sujets de fonctionner directement à un niveau inconscient et de manière adaptée, sans interférence de l’esprit conscient.

C’est pourquoi l’auteur a si souvent insisté sur la nécessité de consacrer de quatre à huit heures, ou même plus, à induire des transes et à entraîner les sujets à fonctionner de manière adéquate avant de se lancer dans une expérimentation ou une thérapie hypnotique.

Du temps de Milton Erickson, les hypnotiseurs thérapeutiques et les chercheurs avaient du temps. Beaucoup de temps. Ils recherchaient une qualité de transe hypnotique très profonde systématiquement.

Nous retrouvons dans tous les articles d’Erickson ou presque cette volonté de créer une transe où le sujet fonctionne directement à un niveau inconscient sans interférence de l’esprit conscient. De ce constat de départ découle alors deux directions de mises en transe qui sont tout à fait complémentaires :

La transe profonde stuporeuse : la conscience ordinaire n’est plus présente – donc n’interfère plus – et il ne reste que l’inconscient “automatique”, celui qui maintient les fonctions vitales.

La transe profonde somnambulique : la conscience ordinaire n’est plus présente – donc n’interfère plus – et est remplacée par une personnalité hypnotique provenant de l’inconscient.

Erickson utilisait très souvent la transe profonde stuporeuse comme un pont logique vers la transe somnambulique. Mettre sous hypnose pouvait revenir à endormir l’esprit conscient suffisamment par un procédé de fractionnement, jusqu’à pouvoir ensuite donner les suggestions nécessaires à la venue des parties inconscientes à étudier.

La compréhension habituelle du phénomène est que l’hypnose peut être induite par des suggestions répétées de fatigue, de somnolence, de dormir et que lorsque les sujets donnent des signes évidents d’être endormi, ils sont prêts pour la procédure thérapeutique.

En fait, ces sujets sont effectivement dans une forme de transe, mais la réalité est qu’il s’agit d’un type de transe ne permettant qu’un usage très limité de la suggestion hypnotique.

L’utilisation de l’hypnose dans une visée thérapeutique requiert, pour des résultats efficaces, un entraînement étalé sur plusieurs heures.

Dans cette procédure d’entraînement, les sujets peuvent être hypnotisés, réveillés, ré-hypnotisés, et réveillés de nouveau, avec chaque entrée et sortie de transe leur permettant d’apprendre petit à petit à reprendre le contrôle sur leurs facultés mentales ainsi que sur une organisation des réponses qui augmentent le degré de dissociation entre la conscience et le subconscient, ce qui a pour conséquence de créer en effet mais pas en réalité une personnalité hypnotique dissociée.

Par un procédé de fractionnement (entrées et sorties successives de l’état de transe stuporeuse), Erickson obtient alors une profonde transe stuporeuse qui n’est qu’un pont vers l’aspect thérapeutique.

La technique d’induction de transe hypnotique pour la vision thérapeutique la plus efficace pourrait être résumée à la répétition de longues transes hypnotiques dans lesquelles le sujet atteint un état de transe stuporeuse.
Dans cette transe stuporeuse, le sujet apprend, petit à petit, à obéir aux suggestions et à réagir aux situations de manière intégrée.
Seulement de cette manière peut être obtenue une bonne et grande dissociation de la conscience et des éléments subconscients de la personnalité, afin de permettre une approche satisfaisante de toutes ces parties que l’on souhaite étudier.

Cette façon de “mettre sous hypnose” a eu son heure de gloire avec Erickson et pourtant elle n’est plus du tout utilisée aujourd’hui. Ni par les praticiens en hypnose Ericksonienne, ni par les PNListes, ni par les Hunkaariens.

Pourquoi ? Est-ce juste une problématique de temps ?

L'hypnotiseur de spectacle

L’hypnotiseur de spectacle a des enjeux différents. Son objectif : les spectateurs doivent faire “WOOOW !” le plus rapidement possible. Il est évident que passer 4 à 8 heures à hypnotiser UNE personne n’est pas possible dans ce contexte.

Il n’a donc pas trop le choix ; soit il amène des personnes déjà mûrement préparées (et on pourrait croire qu’il s’agit d’acteurs payés pour l’occasion), soit il sélectionne les personnes les plus réceptives parmi les spectateurs présents afin de démontrer toute l’authenticité de son talent en quelques secondes seulement.

Mettre sous hypnose pour un hypnotiseur de spectacle doit respecter deux éléments essentiels :

  1. Rapidité
  2. Spectaculaire – pour les spectateurs qui regardent

Les techniques de mise en transe hypnotique vont donc dans cette direction. On utilise les inductions instantanées pour amener les gens à dormir au sol et à se réveiller ensuite tels des zombies télécommandés. Aussi loin que l’hypnose de spectacle existe, les techniques ont peu évoluées.

Le Street Hypnotiseur

En Street Hypnose, mettre sous hypnose reprend les deux éléments essentiels de l’hypnose de spectacle, à une nuance énorme près :

  1. Rapidité
  2. Spectaculaire – pour la personne qui le vit

La communauté Street Hypnose suit une charte de déontologie qui cherche à mettre à tout prix en avant la personne hypnotisée et non le public qui observe autour. Il y a forcément tout un tas d’hypnotiseurs de rue qui au final ne se servent de ce cadre que pour faire de l’hypnose de spectacle dégradée, mais ceux-là ne m’intéressent pas.

Amener une personne au sol avec une induction instantanée n’est absolument pas spectaculaire pour la personne qui le vit. Certains même diraient post-spectacle s’être sentis parfaitement normaux, avoir entendu et ressenti absolument tout de l’environnement qui les entourait.

Afin de créer du spectaculaire pour la personne hypnotisée, nous utilisons en Street Hypnose principalement les phénomènes hypnotiques. Sentir son bras s’élever tout seul dans les airs, ressentir les paupières tellement lourdes qu’elles deviennent impossibles à ouvrir, sont des phénomènes souvent atteignables en quelques secondes ou minutes. La personne hypnotisée fait “Wow !” de l’intérieur alors que de l’extérieur cela peut sembler beaucoup plus neutre qu’en spectacle. La montée en puissance de l’hypnose se fait donc à travers des phénomènes hypnotiques de plus en plus extraordinaires, jusqu’aux plus délirantes hallucinations visuelles.

L'hypnotiseur médical

En milieu hospitalier, ou en libéral dans le cadre de soins douloureux, l’hypnotiseur cherche à déclencher une hypnose sur-mesure respectant deux critères :

  1. Rapidité
  2. Anesthésie / Analgésie

L’hypnose est alors un outil utilisé dans un domaine tellement spécifique que l’on peut mettre sous hypnose de façon toute aussi spécifique. De manière générale, en France, sont utilisées des métaphores où l’objectif est d’envoyer la personne grâce à son imaginaire dans un endroit de sécurité. L’hypno-sédation, comme on l’appelle, revient à diminuer la quantité d’anesthésiant chimique grâce à cette balade hypnotique mentale.

Lorsque j’interviens en milieu hospitalier pour former des personnels soignants, je propose une toute autre façon de faire. La mise sous hypnose repose alors sur une dynamique de mise en transe profonde stuporeuse par fractionnement, en utilisant successivement des inductions instantanées. Je suis le procédé de Milton Erickson, tout en le raccourcissant grâce à un fractionnement plus rapide et percutant.

Un état d’absorption stuporeuse dans un sommeil sans désir, sans intérêt, sans sensation, et sans ne penser, ressentir, percevoir rien d’autre qu’un sommeil stuporeux, léthargique, sans fin, hors du temps.

La transe profonde stuporeuse possède un puissant pouvoir antalgique, alors autant l’utiliser.

L'hypnotiseur thérapeutique

Un client qui appelle un hypnotiseur thérapeutique à l’aide a déjà essayé de très nombreuses autres méthodes avant, l’hypnose étant souvent le dernier recours. Il arrive avec ses croyances et il attend de son hypnotiseur thérapeutique une mise en transe rapide, et un travail thérapeutique de l’ordre de la baguette magique.

  1. Rapidité de mise en transe hypnotique
  2. Changements thérapeutiques immédiats

L’hypnotiseur thérapeutique des temps modernes ne peut clairement pas se permettre d’hypnotiser son client durant 4 à 8 heures, ou même plus, avant de passer à la dynamique thérapeutique. Les séances sont souvent chères (au moins 80€ la séance), alors il paraît inconcevable d’affirmer dès le premier coup de téléphone que notre client va peut-être devoir payer 500€ juste pour que l’on puisse le “mettre sous hypnose”, sans aucun enjeu thérapeutique.

Afin d’obtenir la rapidité de mise en transe hypnotique, certains hypnotiseurs thérapeutiques ont bien pensé à réutiliser les techniques de spectacles. Malheureusement, contrairement à un show, l’hypnose thérapeutique ne permet pas la sélection à l’entrée du cabinet des sujets les plus réceptifs. Cela ne marcherait donc qu’une fois sur 10 tout au plus. Pas top.

Il a donc fallu s’adapter pour que cela fonctionne avec tout le monde.

Hypnose Ericksonienne

En France, la dynamique “Hypnose Ericksonienne” a choisi une alternative : amoindrir la profondeur de transe (donc gain de temps énorme) et amorcer le travail thérapeutique plus rapidement avec des techniques qui fonctionneraient tout aussi bien sans hypnose quelquefois. Même les moins réceptifs à l’hypnose s’en tirent pour leur compte. Sans avoir vécu la moindre hypnose, mais au final, seul le changement thérapeutique compte, n’est-ce pas ?

Je ressens un peu d’ironie en moi au moment d’écrire ces derniers mots… La faute sûrement à une partie de moi puriste qui souhaite à tout prix donner de l’HYPNOSE à quelqu’un qui a payé pour de l’hypnose thérapeutique.

La dynamique “hypnose ericksonienne” repose donc sur une mise en transe plus ou moins longue apparentée à une plus ou moins profonde transe stuporeuse. En général, de 5 à 45 minutes de mises en transe sont réalisées grâce à des métaphores invitant la personne à se relâcher complètement, mentalement et physiquement, tout en rejoignant un endroit de sécurité imaginaire pour y être bien. Une induction souvent linéaire, sans fractionnement, enrobée de belles histoires, de métaphores, et d’invitations verbales à se détendre et à se relâcher le plus profondément possible. Et quand fractionnement il y a, il devient la finalité et non le médium. Ensuite, quand l’hypnotisé montre suffisamment de signes de transe stuporeuse, la procédure thérapeutique démarre avec un ensemble de protocoles et techniques puissants permettant de modifier les comportements inconscients et ainsi d’atteindre les objectifs désirés par la personne en quelques séances seulement.

Le déroulé final étant le suivant :

  1. Endormir la conscience ordinaire le plus rapidement possible.
  2. Utilisation de protocoles de changement thérapeutique destinés à l’inconscient qui est désormais plus à l’écoute, en espérant que le conscient ne puisse plus interférer.

Même si cette façon de faire fonctionne, elle me paraissait mettre de côté un peu trop l’essence même du travail de Milton Erickson sous prétexte d’une modernisation nécessaire. Avec HUNKAAR, j’ai essayé de créer une autre alternative cherchant à respecter les orientations d’Erickson tout en gagnant en rapidité suffisamment pour être adapté à notre culture actuelle.

Hypnose Hunkaarienne

Avec la méthode HUNKAAR, notre priorité est de donner la parole à l’inconscient. Nous cherchons à respecter le précepte d’Erickson stipulant la nécessité d’un “fonctionnement directement à un niveau inconscient, sans interférence de l’esprit conscient”. Mais plutôt que d’endormir complètement le conscient et de faire venir complètement l’inconscient avant même de commencer la thérapie, ce qui peut prendre des heures et des heures (c’est ce que nous faisons au passage dans une dynamique expérimentale), nous allons simplifier le processus initial grâce à l’utilisation de la dissociation.

  1. Permettre à l’inconscient de venir dans les bras en les faisant bouger (phénomènes idéomoteurs), un peu à la façon Street Hypnose.
  2. Tester que le conscient ne puisse pas interférer.
    (S’il peut toujours interférer : endormir le conscient suffisamment pour ne plus qu’il puisse interférer dans ces mouvements. Et tester de nouveau.)
  3. Introduire une première communication thérapeutique avec l’inconscient grâce à la dissociation obtenue dans les bras.

Ainsi, en moins de deux heures maximum (et quelquefois en moins de 30 minutes), nous sommes capables d’avoir une communication clairement établie avec l’inconscient qui peut alors s’exprimer librement sans interférence de l’esprit conscient grâce aux premiers signalings.

Avec HUNKAAR, mettre sous hypnose : c’est donner la parole à l’inconscient sans que le conscient ne puisse interférer. Et à mesure que la procédure thérapeutique se déroule grâce à toutes les ressources inconscientes, l’approfondissement de la transe continue en permanence. L’inconscient peut ensuite écrire, et puis parler, toujours sans interférence consciente, afin de mettre à jour tout ce qui est nécessaire à une résolution thérapeutique convaincante pour le client.

En transe profonde, des bons sujets non entraînés se trouvent incapables de parler sans s’éveiller. Ils savent depuis toujours que parler se fait à un niveau conscient et ils ne réalisent pas qu’il est possible de parler à un niveau purement inconscient. On doit souvent apprendre aux sujets à prendre en compte leurs aptitudes à bien fonctionner, que ce soit à un niveau conscient ou à un niveau inconscient.

Mettre sous hypnose, un vrai couteau suisse

Le plus important est que chaque hypnotiseur sache exactement pourquoi il utilise telle ou telle induction hypnotique en fonction du cadre de sa séance d’hypnose . Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de “mettre sous hypnose”, il y a juste des objectifs différents dont il faut savoir tenir compte.

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3 réflexions au sujet de ““Mettre sous hypnose”, cela veut dire quoi ?”

  1. J ai le commentaire sur le livre de Jean Emmanuel. J adoooooore. Je l utilise tous les jours. Pour hypnotiser ma famille, les amis , mes patients. J ai encore 1 millions de trucs à apprendre.
    Je vais lire les articles. Ca tombe au bon moment.
    Merci

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